La ballade des gens heureux

William Sheller le répète à chaque concert : il veut être un homme heureux. Un souhait légitime, garanti par la sacro-sainte Constitution des États-Unis. S'il y est parvenu ? On attend toujours sa réponse… Alors, « c'est quand le bonheur » ? La question tracasse Cali depuis le début de sa carrière. Julien Peron lui, préfère (se) demander « c'est quoi ». Vaste programme.

« Il y a sept milliards d'hommes sur Terre, et autant de réponses différentes », glisse-t-il, énigmatique. À la tête de « Neo-bienêtre », une agence de communication dédiée « aux thérapeutes et aux professionnels du bien-être », il est l'initiateur d'un projet pour le moins singulier : parcourir la côte atlantique à vélo, de Nantes à Biarritz, la Corse, les Etats-Unis, le Canada, la Belgique, la Suisse, l'Angleterre, l'ocean indien, la Turquie, le Chili, Pérou etc.  en interpellant les gens sur leur conception du bonheur. Les réactions, filmées, alimenteront un film documentaire, prévu pour 2016. Le titre est tout trouvé : « C'est quoi le bonheur pour vous ? »

« C'est tout simplement entendre les petits oiseaux le matin, et voir les arbres fleurir, même après le plus dur hiver », estime Karine. Pour Amélie, c'est « prendre le temps de s'arrêter. Le bonheur, c'est pouvoir faire une sieste improvisée ». Devant la caméra, Jean-Marie est en verve : « Quand je regarde les enfants qui ont 3 ou 4 ans, ils sont heureux. Ils n'ont pas peur de vivre, de souffrir, de tomber. Ils chantent, ils dansent, ils pleurent, ils créent : ils vivent intensément. »

Le bonheur, c'est les autres

Ce qui revient souvent parmi les réponses : notre entourage. « Contrairement à ce que disait Sartre, le bonheur, c'est aussi les autres », lâche Corinne, fondatrice d'une école du rire. Catherine enchérit : « Si les gens sont bien autour de moi, ça me rend heureuse. »

« Chacun de ces moments est très riche en émotions », commente Julien Peron. Qui regrette que trop peu se sentent concernés par la question : seule une personne sur trois accepte de se prêter au jeu. Les autres se bloquent, ou n'ont aucune réponse à apporter. « Parfois, ceux qu'on croise nous remercient de les avoir fait réfléchir là-dessus. » Ces interviews insolites ont démarré au Canada. Un pays où il fait bon vivre : « Là-bas, quand tu discutes avec quelqu'un, t'as l'impression de le connaître depuis toujours. » Un soir, Julien Peron réalise le premier entretien du genre, avec une fille. C'est le déclic : « La voir se confier, c'était très fort. » De retour en France, il a continué à interroger des anonymes. Puis est venue l'idée de cette expédition à vélo. Une petite dizaine de volontaires, d'horizons très divers, se sont greffés à lui.

Ce sont eux qui pédalent pour prendre la température du bonheur des Français, au rythme de trois interviews par jour et par personne. Un groupe qui ne se connaissait ni d'Ève ni d'Adam, et qui s'est soudé en chemin. Dès leur arrivée à Parentis, avec 125 km dans les pattes depuis le départ de Grayan-et-l'Hôpital, leur convivialité fait plaisir à voir. « Je me souviens d'un soir où on mangeait serrés autour d'une petite table. J'ai observé les autres. C'était magique de les voir pliés de rire en retraçant leur journée, alors qu'ils s'étaient rencontrés trois jours avant. »

La tournée à vélo s'achève, au bout d'une dizaine de jours, mais le projet se poursuit. En septembre, Julien Peron a rendez-vous avec des écrivains, des philosophes et autres célébrités. Toujours pour les soumettre à sa question. Et en février, il sera sur d'autres routes, entre New York et la Californie. Histoire de tâter un peu du rêve et du bonheur américains. Adrien Gavazzi pour le journal sud ouest